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On a roulé sur la Terre
publié le 26 déc. 2010, 09:20 par Didier RAMON [ mis à jour : 27 déc. 2010, 02:11 ]
10 octobre 1993, Alexandre POUSSIN et Sylvain TESSON démarre un tour du monde à vélo sur un an en tournant vers l'ouest. Une grande aventure humaine comme Alexandre et Sylvain en ont l'habitude. |
La prière d'un âne
publié le 6 déc. 2010, 02:13 par Didier RAMON [ mis à jour : 6 déc. 2010, 10:45 ]
La prière d'un âne qui répond à la prière de Francis JAMMES.
Nous ne connaissons pas cet auteur, Robert DARTEVELLE, si quelqu'un a des informations, nous sommes preneurs (contactez-nous par courriel projet-itinerance@projet-itinerance.fr).
Seigneur, je ne suis qu'un âne. Depuis tant et tant d'années que l'on me dit stupide, paresseux et têtu, je finis par croire qu'il doit en être ainsi, que je suis ce raté, dernier des animaux, Aliboron de cirque, juste digne d'un bât, et parfois d'un chardon. mais souvent, Seigneur, je suis triste et bien fatigué, de cette charge d'indifférence et de mépris, que jamais je ne peux ni déposer, ni oublier. On m'a tant frappé, que mon dos est marqué de deux raies en forme de croix. On s'est tant moqué de moi,que j'en ai honte et baisse la tête en ne disant plus rien.Aujourd'hui pourtant, en trottinant dans la poussière du chemin, je me souviens... Je me souviens de cette nuit froide de Judée, quand je fus choisi, avec un boeuf aussi misérable que moi, pour réchauffer de mon haleine, un Enfant-Dieu !Jamais, jusqu'à ce soir-là, personne ne m'avait, comme Lui, regardé et souri. Je me souviens de la longue traversée du désert, vers le pays d'Egypte, lorsqu'il fallait trotter vite pour sauver de la mort celui qui venait apporter la Vie au monde. Jamais, jusqu'à ce jour-là, je n'avais porté fardeau plus doux et plus léger. Je me souviens d'une entrée triomphale à Jérusalem, au milieu d'une foule en délire qui chantait des "Hosannah", et qui pleurait d'espérance et de joie. Jamais, jusqu'à cette heure-là, je n'avais osé croire au jour de fête, quand tout paraît si facile et si beau.Aujourd'hui, en trottinant dans la poussière du chemin, je me souviens et je rêve... Je rêve q'un jour, peut-être, je m'en irai par les chemins étoilés de Tes prairies éternelles, qui sentent bon le thym et le romarin. A une croisée fleurie, Francis Jammes sera là, avec son bon sourire et sa douce amitié. Avec confiance, je le suivrai timidement, sur le sentier de gloire qui monte vers Ton Ciel. J'arriverai chez Toi, tout ému et tremblant, et te dirai doucement : Seigneur, je m'appelle Martin, je n'ai rien d'important, ni de beau, ni de grand à T'offrir, rien qu'une pauvre vie, toute faite de patience et d'humiliations. Mais si Tu veux bien de moi dans Ton Paradis, fais que je reste, tout simplement, un âne, un peu moins stupide, pour comprendre la grandeur de Ta gloire et l'infini de Ta bonté, un peu moins têtu, pour ne plus faire que Ta seule volonté, un peu moins paresseux, pour chanter Ta louange éternellement ! Amen. Robert Dartevelle |
Prière pour aller au Paradis avec les ânes
publié le 20 nov. 2010, 23:31 par Didier RAMON [ mis à jour : 27 déc. 2010, 02:01 ]
Le poème de Francis JAMMES publié dans le recueil Le Deuil des Primevères en 1901.
J'aime l'âne...
publié le 20 nov. 2010, 23:29 par Didier RAMON [ mis à jour : 27 déc. 2010, 02:30 ]
Poème de Francis JAMMES publié dans Vers, 1894
© Mercure de France
L'axe du loup
publié le 30 oct. 2010, 12:22 par Didier RAMON [ mis à jour : 27 déc. 2010, 01:49 ]
Pocket - Robert Laffont
ISBN 978-2-266-15718-6
2004
Chapitre 1- Paris - Berlin - Iakoutsk, page 16. Transibérien
Le Transibérien, c'est la débâcle du temps. Je plonge dans une sorte d'hibernation ferroviaire.Paresse où je me vautre avec délectation, sachant ce qui m'attend dans les mois à venir. Je me repose tellement pendant la journée que je n'ai plus assez de fatigue pour dormir la nuit.
Chapitre 1- Paris - Berlin - Iakoutsk. Mai. Page 23. Axe du loup
Chapitre 1- Paris - Berlin - Iakoutsk. Mai. Page 24. Voyage honnête
Les Anglais ont une belle formule pour parler de l'alpinisme. Ils disent que grimper sur une muraille sans utiliser ni pitons ni cordes, c'est pratiquer l'alpinisme by fair means. Or j'ai toujours voulu voyager comme grimpent les Anglais, avec de justes moyens, ce qui revient à dire : honnêtement. A cheval, à pied, à bicyclette. Je trouve déloyal de se présenter devant la géographie armé d'un moteur, et je sais que le pas humain, la foulée du cheval sont les meilleurs instruments pour mesurer l'immensité du monde.
Chapitre 1 - Paris - Berlin - Yakoutsk. Mai. Page 34. Départ.
Je me lève et je pars vers l'amont. .es rameurs regagnent le bateau. Voilà une demi-année qu j'attends cette seconde et toute la fièvre et toute l'impatience de ces derniers mois se dissolvent soudain, sitôt fait le premier pas, dans le précipité de l'instant. Quinze minutes plus tard le navire me dépasse, tirant dans son sillage les bribes de Stravinski.
Je suis seul, je suis lancé sur ma route de la liberté. Je ne m'arrêterai pas avant d'avoir atteint l'Inde.
Chapitre 2 - Dans le lit de Lena. Juin. Page 38. Le procureur vert.
Je comprends au cours de ces heures passées à ouvrir ma voie, à forcer mmon chemin dans la forêt ou au long de la rive, pourquoi es bagnards parlaient parfois de l'évasion comme du passage devant le procureur vert : le procureur vert c'est la nature, et ses fourches caudines furent plus redoutables pour bien des fugitifs que les condamnations des procureurs rouges !
Chapitre 3 - Vers le Baïkal. Juin-Juillet. Page 64. L'enfer, c'est le voisinage.
Les gens imaginent toujours qu'il est beaucoup plus ardu de rejoindre l'étape suivante que d'être arrivé jusqu'à eux. Si j'annonce que je fais route vers la Mongolie, personne n'y trouve à redire car le but est trop abstrait, Mais si je déclare gagner l'ubac, ceux de l'adret se récrieront. Le local terrorise plus que l'Universel. L'enfer, c'est le voisinage. Parce que nous le connaissons mieux, ce qui nous est proche effraie davantage que ce qui est lointain.
Chapitre 3 - Vers le Baïkal. Juin-Juillet. Page 67. Feu de camp.
A midi, pour la halte, je construis un petit feu, ce qui est le meilleur moyen d'écarter les ours. En outre, le feu me tient compagnie. C'est un cher petit ami que je peux faire jaillir de mes doigts chaque jour, un petit dieu bien vivant qui réchauffe l'âme, les saucisses et les mains. J'aime lire de la poésie à mon petit feu. En Sibérie, je m'offrirai ce plaisir presuae chaque jour.
Chapitre 3 - Vers le Baïkal. Juin-Juillet. Page 72. Bicyclette.
J'avais oublié combien le vélo aliénait l'esprit. A bicyclette, toute l'énergie spirituelle est consacrée à maintenir la tension physique. Et ce qu'on gagne en vitesse est à mettre au débit de la production intellectuelle. Le corps travaille, le cerveau dort. C'est donc dans un parfait état d'abrutissement que je passe des cols entre 800 et 1200 mètres. La beauté des marais qui tapissent les ensellements aplanis par des millions d'années de rabotage géologique ne me gonfle même pas le coeur.
Chapitre 3 - Vers le Baïkal. Juin-Juillet. Page 76. Dédoublement.
Un soir de juillet, juste avant d'atteindre le village d'Ayogan, je vis une expérience de dédoublement : mon corps meurtri par les coups de boutoir de la route cahoteuse et la morsure des insectes continue d'avancer pendant que mon esprit, indifférent à la peine que j'endure, sort de son oothèque et vague, parfaitement étranger à l'enveloppe qui l'abritait jusqu'alors. Cet égarement dure pendant deux ou trois minutes au cours desquelles je ne perds pas ma lucidité mais, au contraire, me force à rester concentré pour que ne se rompe pas le fragile état de grâce, ce flottement ténu qui, s'il perdurait, me permettrait d'aller plus loin encore et sans souffrir sur le chemin. Mais le charme retombe, l'esprit revient dans sa boîte en os et reçoit à nouveau le signal de mes nerfs qui lui crient grâce.
Chapitre 4 - Mer Baïkal. Juillet. Page 81. Tristesse.
Il pleut sur l'eau du lac et mon coeur est si triste. Il n'est jamais de joie sous l'eau. Il n'y a d'ailleurs qu'à voir la tristesse du regard des poissons.
Chapitre 4 - Mer Baïkal. Juillet. Page 87. Sens de la vie.
Je découvre un nouveau sens à ma vie : marcher tout le jour durant, boire l'eau du lac, suivre la course des hérons au ras de sa surface, pêcher un poisson et passer de longues minutes à le préparer puis chercher un endroit où jeter mon bivouac. Et le sens de la nuit c'est de se reposer de cette belle vie-là.
On entend le sifflement des cuillères lancées à toute volée par les Moscovites. Soudain, je hais la pêche. Son apparente placidité, ces heures languides sur des grèves blêmes, cette profession faite par les pêcheurs de leur foi en la beauté du monde et, pour finir : le harponnage sanglant de la gueule d'un gracieux poisson qui rejoignait sa belle dans le repli d'un chenal.
Chapitre 4 - Mer Baïkal. Juillet. Page 98. Vague à l'âme.
Les baies se succèdent. Avec parfois, niché au fond, un petit hameau de pêcheurs. J'y croise des Russes à l'ai triste. Et je suis de plus en plus convaincu que celui qui côtoie le ressac d'un lac finit par contracter un vague à l'âme. Sa vie alors, comme une algue, se fait bercer passivement par le courant des jours.
Chapitre 5 - En pays bouriate. Juillet-Août. Page 117. Signes de progression.
Après les bulbes : des pagodes sur la terre sibérienne. Signe avant-coureur des mondes asiatico-bouddhiques. J'aime ces ambassadeurs (un panneau dans une autre langue, un faciès nouveau, un arbre inconnu) qui, par petites touches, indiquent au pèlerin que de nouvelles aires approchent, que les jours passent, que les kilomètres succombent et que, au bout du compte, à force de patience, le but qui semblait inaccessible finira par venir.
Chapitre 5 - En pays bouriate. Juillet-Août. Page 118. Nourriture de l'âme.
J'ai longuement réfléchi au problème de la lecture en voyage, c'est-à-dire de la nourriture de l'âme pendant les longs mois de progression sauvage. Pour le corps ce n'est pas difficile de faire ses adieux à l'anesthésie du confort et aux bienfaits de la civilisation. Le mien s'habitue vite. Il n'est pas long à oublier que l'eau d'un bain a pu être chaude et la ration copieuse. L'ennui, c'est pour l'âme... Elle est plus exigeante. Elle supporte moins bien le jeûne.
Chapitre 5 - En pays bouriate. Juillet-Août. Page 125. Plaisir vagabond.
Au crépuscule gisant dans mon bivouac, couché à l'heure où s'endorment les bêtes, je me livre à ce rituel que tous les vagabonds du monde tiennent pour le bonheur suprême : déployer lentement les jambes qui les ont portés tout le jour. Et les tenir droites, tendues, immobiles, jusqu'à ce que la lumière de l'aurore leur commande de reprendre l'effort.
Et soudain, voilà l signe que j'attendais : une double ligne de barbelés séparée par un couloir déboisé de dix mètres de large. Je suis arrivé au bout de la terre russe. En face, à moins de quinze mètres, inaccessible : La Mongolie. Je vis en ces quelques secondes l'un de ces bonheurs qui justifient des mois de voyage : celui d'avoir atteint les portes d'un royaume, les bords des falaises de marbre, les rives des îles de corail...
Dans la steppe, la progression est une navigation : on avance du matin jusqu'au soir sans que le moindre obstacle n'entrave la course. La prairie est l'océan. Les yourtes sont les îles dont les archipels s'échelonnent à intervalles réguliers. La steppe c'est quand le ciel se pose sur la terre et ne laisse à l'horizon qu'un petit interstice.
Cette année, le ciel s'épanche. Les orages sont à la mesure des steppes : titanesques. Ici, les nuages ont la taille de royaumes. Et quand vient l'orage, on dirait que, crevés par un glaive, ils s'ouvrent d'un coup, comme des outres, pour s'écrouler tout entiers sous leur propre poids, vidés de leurs eaux en quelques instants, laissant sous eux la steppe étourdie de violence.
Je passe ma dernière nuit avant d'atteindre la capitale dans une yourte, foetus de feutre, monde recréé, replié sur lui-même, avec pour seule ouverture le tundunk, cet orifice percé à la clé de voûte, ce nombril de l'oeuf, cette fontanelle, par laquelle nos rêves s'échappent vers le ciel pour regagner la nuit.
Autour de moi, 360° de steppe rectiligne. Pas un arbre pour pisser, ou pour se pendre. Je sens l'étreinte de l'immense comme un noeud coulant à la gorge.
Le puits que j'atteins au crépuscule est vide de gens. Je crains pendant un instant qu'il ne soit tari. Fausse alerte. Bivouac. Je fais griller longuement mes pensées dans les flammes en regardant le feu. Belle nuit allaitée par la lune.
(...) J'aide à rentrer le troupeau. Une fois toutes rassemblées, les bêtes forment un îlot mouvant, malodorant. Je m'endors sous la yourte en passant à la laideur du chameau, et je me dis qu'en le voyant toutes les plantes s'enfuirent et ce fut le désert.
Dans l'éclaboussure du crépuscule, je reviens à contrecœur vers la famille chamelière qui m'a accueilli la nuit dernière. Je rumine mon malheur. Et sens d'un coup peser sur mes épaules le poids des semaines de progression solitaire où tendu comme un arc vers le but à toucher, je n'écoutais pas les plaintes de mon corps. Dans l'accablement qui m'envahi soudain, l'énergie déserte mon être, la flamme aventureuse s'éteint soufflée par ce revers et je sens mon âme glisser sur ce versant du désespoir qui la fascine tant par ailleurs et dont je dois l'écarter en permanence. Mon corps a vieilli depuis le mois d'août. Je pleure une ou deux larmes. Sans doute deux. Une pour le dépit, une pour la rage.
Amanda est américaine. Elle frappe à ma porte aux aurores.
- J'ai su que vous aviez un problème car je vous ai vu à la réception. Je parle chinois, je peux quelque chose pour vous ?
(...)
Sixième jour d'immobilisation : une Australienne, rencontrée dans la salle à manger de l'hôtel, me conseille de faire d ela méditation tantrique pour mon genou. Il est urgent que je reprenne le route vers les grandes solitudes.
Dernier jour d'immobilisation : c'est une Anglaise, cette fois. Elle me parle de la sophrologie. Je n'ai jamais dormi dans un hôtel aussi mal famé...
Pour passer le temps, je note des considérations sur mes rencontres de Dunhuang : "Quand les vieilles filles des pays anglo-saxons atteignent l'âge du non-retour, elles se mettent à courir le monde en tout sens en proférant des inepties à la manières des prophètes hirsutes à qui le soleil a fit fondre le cerveau". Demain, le voyage recommence.
Chapitre 8 - Gobi. Septembre. Page 202. Bétonneurs chinois.
(...) les bétonneurs chinois ont coulé une chape d'enduit sur la falaise aux bouddhas et ferme chaque grotte par une porte blindée portant un numéro comme une chambre d'hôtel. Ils ont encagé Bouddha. Coulé le Gautama sous le béton. Livré l’Éveillé en pâture aux visiteurs. Des flux de curieux, déversés par autocar, venus d'Europe ou de Shangai avec des chapeaux de plages et des lampes torches vont et viennent sur les passerelles scellées à la paroi par les aménageurs. Tout bien pesé, on peut finalement se dire que les Tabilans ont commis un acte salvateur en mars 2001. Au moins les deux bouddhas de Bamiyan (canons de la beauté abattus par les canons de la bêtise) ont-ils eu une sortie honorable. Ils ont disparu dans un panache de fumée. Ce qui vaut toujours mieux que de finir en bête de zoo. Des escadres de corbeaux nous escortent dans notre lente marche. A tire d'aile vers le sud. J'aime ces oiseaux de la mémoire nordique. Je n'oublie que l'un d'eux était perché sur l'épaule d'Odin. Je n'oublie pas qu'Odin est un dieu magnifique. Leurs croassements emplissent le ciel et j'explique à Ruiden qu'il ne faut pas parler quand les corbeaux crient car on risquerait de ne pas entendre ce su'ils ont à nous dire.
Dans l'une des maisons de planches où nous passons la nuit, je perds la croix et les médailles saintes que je portais au cou depuis mon départ. La semaine précédente, c'est mon couteau que j'égarai : voilà comment on se débarrasse en quelques jours du sabre et du goupillon.
Dans les forêts que je traverse on me met en garde contre les éléphants sauvages et les tigres. En Sibérie, on me mettait en garde contre les ours. L'homme fait toujours semblant de craindre des animaux qu'il décime. Mais il ne met jamais personne en garde contre lui-même. (Pourtant Priscilla me racontera plus tard avoir vécu dans la fournaise de la plaine bengali, les heures les plus oppressantes de tout son périple, subissant les charges pathétiques et incessantes des essaims de jeunes Indiens rendus fous par la frustration sexuelle, laquelle est la pire métastase du cancer religieux hindou).
Je sens une immense lassitude m'envahir. Pour la première fois, j'éprouve l'envie de rentrer chez moi.
Je suis arrivé au bout du chemin.
Celui qui va devant
publié le 13 sept. 2010, 10:06 par Didier RAMON [ mis à jour : 27 déc. 2010, 01:50 ]
Dans les années 60, Max Liotier est guide de haute montagne. Le livre est écrit en 1968, il a 35 ans. Max Liotier fait partie de la nouvelle génération de guides : les guides citadins (comme il se nomme dans le livre), qui sont allés à l'école des guides. Ce livre est l'occasion pour lui de se poser des questions sur la condition de guide, "Qu'est-ce-qu'un guide ? C'est Un qui va devant.". Le livre se déroule lors d'une course avec un client (la traversée de la Meije). Max Liotier alterne le présent (la marche avec son client) et ses pensées sur la condition de guide. Particulièrement bien écrit, ce livre ne parle pas de super-héros mais d'hommes normaux passionnés par la montagne et se posant beaucoup de questions sur leur avenir. La marche est une introspection. Max Liotier parvient avec beaucoup de brio à la retranscrire. Ce livre est indispensable dans toute bibliothèque de personnes intéressées par la montagne. Cherchez-le en occasion. Notre exemplaire, nous l'avons trouvé chez Emmaüs, par hasard et sans connaître ce livre. Le hasard fait bien les choses... la MeijeSté de Travaux la Grave la Meije |
Morceaux choisis
Le départ se fait du refuge du Promontoire à 3100 m d'altitude, il est 2h20 du matin. Max est rentré la veille au soir d'une course. La nuit a été très courte.
... Le nez au ciel, je cherche des amies : la Polaire est cachée, Castor, Pollux, j'aimerais trouver la nébuleuse d'Andromède, mais il y a quelque chose devant : le Doigt de Dieu surplombant son ombre. Bon sang ! qu'il est haut, loin et sévère ! Le surhomme de tout à l'heure baisse humblement la tête et rentre dans le refuge, infiniment petit.
Promontoire, page 30. Le réveil
L'animal en forme que je suis en cet instant dresse un bilan physique, en étirant les jambes. Correct ! La nuit a chassé la fatigue, les muscles sont froids, mais souples et insensibles. Les épaules peut-être ? Oui, les épaules se plaignent encore des bretelles du sac hissé, hier soir, tout au long de cette fichue moraine.
Cela n'est pas grave, quelques longueurs de corde d'escalade y remédieront. (...)
Ça ira. Il faut que ça aille, du reste. Le plus dur n'est-il pas de se lever ?
Promontoire, page 35. Petit homme
Grande Muraille, page 48. Petit matin
Entre chien et loup, c'est la mauvaise heure où tout est gris terne très sombre. Le ciel tourne vers l'ouest, la neige, les rochers, tout se confond.
Plus rien n'est humain. Que faisons-nous ici, dans ce monde qui n'est pas le notre ?
C'est l'heure la plus froide, c'est l'heure où la neige du glacier crisse avec un bruit métallique sous le caoutchouc cassant des semelles Vibram, c'est l'heure où l'acier du piolet colle aux doigts, c'est l'heure qui cristallise la larme au bord des paupières, l'heure où le nez durcit à chaque respiration, où les poils se figent instantanément dans les narines.
Nous baignons en pleine lumière ! La base des sommets lointains s'estompe dans une fine nappe de brume. La gamme des bleus est vraiment infinie. Je me croyais blasé, je suis sain, au contraire, c'est beau d'encore s'émerveiller...
Nous allons rester ici un bout de temps. Aussi, je m'installe tant bien que mal ; moi, le paysage, je le connais. Je préfère somnoler ou faire semblant. Dans un instant, il va s'imaginer que je dors à poings fermés et ne me posera plus de questions. Ce n'est pas que je n'aime pas discuter de choses et d'autres, mais j'aime le silence pour apprécier pleinement. Ici, les paroles sont superflues, elles gâchent même tout, si délicates soient-elles.
La vallée est bien loin, La Grave, deux mille cinq cent mètres plus bas, ressemble à une maquette de l'Institut Géographique National. Il y a, en bas, des amis qui peut-être parlent de nous, des jeunes garçons qui nous envient, des gosses qui disent : "Aujourd'hui, papa, il est là-haut", en montrant du doigt un sommet au hasard ; il y a peut-être aussi des femmes inquiètes qui nous espèrent.
Des femmes qui pensent, résignées, que ce métier de guide est une drogue incurable, que cette image du surhomme pour le public n'est pour elles que le corps d'un grand gosse qu'il faudra panser et soigner avant qu'il reparte, qu'il leur fera l'amour encore trop vite, comme si ce devait être la dernière fois, qu'il n'est qu'un enfant égoïste ne partageant pas ses joies.
La Grave est le plus beau village de montagne que je connaisse. Affaire de goût, bien sûr, mais celui-là se marie parfaitement avec ce que j'aime en montagne, en dehors du domaine de l'altitude. On ne connaît, de lui, souvent, que l'été et sa cohue de touristes, on croit avoir pénétré son coeur, on n'en connaît que les abords. On n'a jamais franchi le seuil.
Arêtes, page 100. Miroir de soi
Les "Il faut descendre, on va se tuer, vous ne me ferez jamais passer ici" me laissent indifférent. Il faudrait savoir avant de partir ce que l'on va chercher. Sinon, il est préférable de rester à la maison et d'aller à la pêche à la ligne. Vu le nombre de ces adeptes, cette occupation doit bien présenter quelque intérêt. On ne trouve en montagne que ce qu'on y apporte. L'escalade est un miroir qui ne renvoie qu'une image. Sa propre image. On espère la voir indulgente. Si l'on a osé s'en approcher, il ne faut surtout pas s'en éloigner à l'instant du reflet.
Surpris par l'orage, un jour, j'ai eu la preuve de ce que j'avance. En plein coeur de la zone électrique, ayant été obligé de changer l'ordre de l'encordement, j'assurais à la descente un homme absolument terrorisé. Sa femme, qui m'avait aidé à le décorder, pour que je puisse l'attacher à sa place, ne s'était jamais départie de son calme.
Avant de quitter le relais, elle me glissa :
"Je vous remercie, Max, je sais que nous sommes fichus tous les trois, je sais que vous n'y êtes pour rien."
En disant cela, elle faisait les mêmes gestes qu'elle aurait fait par grand beau temps, sans s'affoler. je l'avais beaucoup admirée. Car elle avait conscience de ce qu'elle risquait. Elle avait peur, mais seul un oeil habitué pouvait le discerner.
Peut-être même l'ai-je admirée, parce que moi aussi, il m'est arrivé d'avoir peur...
- Oui ! Techniquement, c'est très normal. C'est à Chamonix, incontestablement, que le terrain, très varié, offre le plus de possibilités pour une formation complète.
Arêtes, page 127. Bivouac
Très vite, la nuit froide s'était installée et avait repris ses droits. Nuit où l'on essaie en vain de dormir... Classique petit caillou qui vous gêne d'abord, puis vous empale. Ce petit caillou dont on se débarrasse, sachant bien qu'avant longtemps un autre saura être insupportable.
Ce frisson qui vous gagne et vous submerge, sur le côté, non c'est face au vent ! Maintenant ce sont les reins qui se plaignent ; sur le dos, cela va un temps et puis insidieusement le petit caillou recommence.
Quelle misère !
Le visage de l'autre, tout gris sur un fond noir, on dirait celui d'un cadavre.
Avant de partir, hier, pour le refuge du Promontoire, je discutais avec le gardien du bureau des guides de la Grave. Nous regardions la Meije pour en évaluer les conditions.
Une femme est passée.
Cette femme était veuve depuis moins d'un an d'un jeune guide de l'Union Nationale des Centres de Montagne. Elle s'est arrêtée pour regarder avec nous cette Meije qui ruisselait de lumière. Le soleil jouait dans les corridors, sur le glacier du Tabuchet.
C'était si beau que nous ne parlions plus.
Soudain, une voix a troublé le silence.
La sienne.
"Il n'y a pas plus garce !"
J'entends encore ce cri de haine en atteignant la brèche des dents Blanches. Avec le gardien, nous n'avions rien su répondre.
Que dire d'ailleurs qui ne serait tombé à plat ?
Elle ne voulait pas, ayant aimé sa vie, devoir aimer sa mort.
Doigt de Dieu, page 141. Homme
Si je dois ne plus pratiquer ce métier, j'en garderai un souvenir teinté de nostalgie qui m'accompagnera jusqu'au bout de ma vie. Ce métier qui m'a permis de côtoyer des individus pas toujours exemplaires peut-être, mais jamais pitoyables ; pas forcément supérieurs, mais jamais médiocres, jamais stupides. Des hommes enfin, dignes de ce nom.
A la question posée : "Pourquoi es-tu guide ?" moi, le frère d'armes pourtant, j'ai obtenu des réponses dont la fantaisie ironique signifiait tout bonnement que cela ne me regardait pas.
"Parce que je me rapproche de Dieu."
"Parce qu'en bas, dans la plaine, j'ai de l'asthme."
"Parce que je suis incapable de faire autre chose."
"Parce que si je ne marche pas, je grossis."
Autant de boutades, évoquant la réponse dépouillée de Mallory, qui grimpait sur les montagnes "parce qu'elles étaient là".
Max Liotier et son client redescendent de la Meije et s'arrêtent au refuge de l'Aigle.
"Il est bien calfeutré ce refuge, dites-donc.
- On croit ça ! Un jour je suis arrivé ici au printemps, très tôt en saison. Après avoir ouvert la double porte, j'ai découvert un véritable drap vertical de neige qui partait de la fente de la porte jusqu'au fond ; il était presque aussi mince à la base qu'au sommet. La tourmente de neige avait infiltré sa poudre sèche dans les deux interstices, et avait construit cette mince cloison, que le froid sidéral avait su conserver. A peine entré, j'ai brisé son équilibre et tout s'est effondré."
N'était-ce pas le symbole de la pureté fragile de la haute montagne que l'homme bouleverse irrémédiablement de son passage ?
J'ai accepté un jour d'accompagner l'un d'eux, Auguste Jouffrey, dit "Gutou" ; petit, trapu, noir de poil, un souffle à toute épreuve. Il possède une science innée de la chasse, dépasse de très loin les risques acceptés par les autres et ne met que trois cartouches dans le magasin de son arme. Mais oui, de tels hommes existent encore !
"Si je ne le fais pas avec trois balles, je le laisse courir ! on a sa chance tous les deux."
Un jour, au retour d'une course, Devouassoud, le plus fort des fils de Pierre Gaspard, butta contre une pierre sur le sentier qui le ramenait dans la vallée. Il avait derrière lui une carrière prestigieuse. Cette pierre décida de sa fin.
Étalé tout de son long dans la poussière, il ne se sentit pas humilié. Il comprit simplement qu'il serait sage désormais de s'en tenir là, et c'est ce qu'il fit, avec autant de fermeté dans sa décision qu'il en avait mis à franchir les passages les plus ardus de sa carrière de guide.
Peu de gens, en fait, savent se reposer. Ils ont toujours une crispation quelconque des muscles. Au lieu de se tenir en appui sur son coude, s'il avait bloqué son épaule contre le tronc qui est derrière lui, avec le renflement de mousse au pied de l'arbre, son corps aurait pu s'abandonner complètement.
Max Liotier et son client sont redescendus et s'arrête à une terrasse pour terminer la course par le verre de l'amitié.
Deux couples, à quelques tables de nous, semblent intrigués par nos sacs jetés dans la poussière, à nos pieds, at par nos piolets... images de plaisirs étranges et inconnus.
Le vent m'apporte le décret du plus perspicace des deux hommes :
"A quoi ça leur sert de monter, puisqu'il faut redescendre ?"
Il a dit ça à une jeune femme blonde, assez évaporée, qui l'admire sans retenue, extasiée devant tant de logique.
L'Alpe, page 213. Épuisement
La traversée de la Meije a démarré pour Max Liotier à 2h20 du matin. Il laisse son client dans la vallée vers 17 h. Il se restaure enfin. Il lui faut maintenant rejoindre le refuge de l'Alpe afin de rejoindre un nouveau client. Il y arrive à 21h, épuisé. Paul; le gardien, lui prépare à manger.
J'ai pris mon repas dans une sorte de brume, crevée parfois d'un rire : Paul ? sa femme ? je ne sais plus.
La belle mécanique dont je me plaisais à dresser l'inventaire ce matin est bien enrayée. Demain, il faudra un sérieux coup de fouet pour que la bête se relève et reparte...
Biblio-Cycles
publié le 6 sept. 2010, 02:41 par Didier RAMON [ mis à jour : 6 sept. 2010, 02:49 ]
Vous cherchez de la documentation sur les voyages à vélo, des récits d'aventuriers, vous planifiez votre propre voyage ? Un seule adresse : Le biblio-cycles de Philippe Orgevin.
Un recueil très riche de ce qui est publié sur le vélo et notamment le Voyage.
A consommer sans aucune modération.
La petite note "A propos" de présentation de ce blog
Orgebin Philippe : animal à poil ras de la famille des ursidés qui fréquente les librairies de livres anciens. Peut présenter des symptômes récurrents et parfois aiguë de maniaqueries à tendance pervers polymorphe, à savoir une fiche pour chaque chose au bon endroit... Spécialisé dans le franchissement des cols en tous genres, pyrénéens, corses, alpins. Déteste les voitures et le terrain plat, le port du casque et les cyclos singes déguisés du dimanche matin. Préfère les routes mal signalées de la DDE et les autochtones incapables de le renseigner sur la direction d'un bled dans une région où ils vivent depuis des siècles... Râle régulièrement pour tout et rien, mais reste un agréable camarade autour d'une ou de plusieurs bonnes bouteilles... Fréquente assidûment des pseudos intellos devenus cyclopathe comme lui, et aussi cyclotimiques... Individu louche qui peut représenter un danger pour l'ordre public, à surveiller de prés...
L'animal se nourrit exclusivement de boites pâté, de bananes, thé, gâteaux secs, nouilles chinoises, de soupes déshydratées, de Nescafé et autres produits légers à transporter dans ses sacoches. Car l'animal est du genre nomade à tendance obsessionnel... Après la corse en mai il a supporté un compagnon de voyage sur le canal du midi, plus par humanisme que par altruisme. Pensez donc un minable prof mou du mollet qu'il a été obligé d'accompagner dans une épopée plate... Heureusement qu'il lui restait le massif central pour se refaire une santé...
Nous conseillons aux parents responsables, ainsi qu'aux éducateurs et autres personnes de bien surveiller que les mineurs dont ils ont la responsabilité ne se rendent sous aucun prétexte ni d'aucune manière sur le blog de celui-ci, car il propose de la lecture. Ce qui comme chacun sait est la forme subversive la plus puissante qui soit... Il faut préserver leur esprit, afin de mieux le rendre disponible à l'espace publicitaire que TF1 ne saurait manquer de vendre aux agences de publicité.
Un seul conseil: Gardez vous de l'Orgebinus librairius si vous ne voulez point de désordre sous votre crâne, c'est un conseil d'ami....
Un recueil très riche de ce qui est publié sur le vélo et notamment le Voyage.
A consommer sans aucune modération.
La petite note "A propos" de présentation de ce blog
Orgebin Philippe : animal à poil ras de la famille des ursidés qui fréquente les librairies de livres anciens. Peut présenter des symptômes récurrents et parfois aiguë de maniaqueries à tendance pervers polymorphe, à savoir une fiche pour chaque chose au bon endroit... Spécialisé dans le franchissement des cols en tous genres, pyrénéens, corses, alpins. Déteste les voitures et le terrain plat, le port du casque et les cyclos singes déguisés du dimanche matin. Préfère les routes mal signalées de la DDE et les autochtones incapables de le renseigner sur la direction d'un bled dans une région où ils vivent depuis des siècles... Râle régulièrement pour tout et rien, mais reste un agréable camarade autour d'une ou de plusieurs bonnes bouteilles... Fréquente assidûment des pseudos intellos devenus cyclopathe comme lui, et aussi cyclotimiques... Individu louche qui peut représenter un danger pour l'ordre public, à surveiller de prés...
L'animal se nourrit exclusivement de boites pâté, de bananes, thé, gâteaux secs, nouilles chinoises, de soupes déshydratées, de Nescafé et autres produits légers à transporter dans ses sacoches. Car l'animal est du genre nomade à tendance obsessionnel... Après la corse en mai il a supporté un compagnon de voyage sur le canal du midi, plus par humanisme que par altruisme. Pensez donc un minable prof mou du mollet qu'il a été obligé d'accompagner dans une épopée plate... Heureusement qu'il lui restait le massif central pour se refaire une santé...
Nous conseillons aux parents responsables, ainsi qu'aux éducateurs et autres personnes de bien surveiller que les mineurs dont ils ont la responsabilité ne se rendent sous aucun prétexte ni d'aucune manière sur le blog de celui-ci, car il propose de la lecture. Ce qui comme chacun sait est la forme subversive la plus puissante qui soit... Il faut préserver leur esprit, afin de mieux le rendre disponible à l'espace publicitaire que TF1 ne saurait manquer de vendre aux agences de publicité.
Un seul conseil: Gardez vous de l'Orgebinus librairius si vous ne voulez point de désordre sous votre crâne, c'est un conseil d'ami....
La marche dans le ciel
publié le 20 août 2010, 10:17 par Didier RAMON [ mis à jour : 27 déc. 2010, 01:51 ]
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