Un septuagénaire rallie Rethel à Rome à pied.
Date de publication : Nov 14, 2010 1:34:47 PM
Nous pouvons être pèlerin à tout âge. La preuve, cet Ardennais, qui a parcouru 1700 km en 63 jours afin de rallier Rome. L'âge du pèlerin : 70 ans !
Et dire que certains (très jeunes) ont du mal à aller chercher la baguette de pain à pied... au coin de la rue.
Petite promenade de santé.
Publié le dimanche 14 novembre 2010 à 11H00
QUAND il se recueille, le roman n'est pas loin. A 70 printemps, Pierre Dupuit s'est toqué d'un petit voyage en Italie. Mais à l'avion ou au train, le Rethélois aura préféré son bâton de pèlerin et vient de parcourir à pied et en 63 jours, les 1.700 km qui le séparaient de Rome.« En lisant une revue sur les grands chemins de pèlerinage, j'ai découvert la Via Francigena, chemin qui va de Canterbury à Rome, suivi par un évêque en l'an 990, et qui passe près de chez nous », explique le randonneur, qui a rejoint le tracé à Châlons-en-Champagne, puis traversé une partie de France, la Suisse et l'Italie pour rallier son objectif.
Le retraité n'en est pas à son coup d'essai. Voilà quelques années, l'homme s'était déjà piqué d'un saut de 2.100 km et 84 jours de marche jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle. Ses gambettes pour toute navette, l'intrépide a même visé Jérusalem. « Mais je suis parti trop fort et mon organisme n'a pas suivi », explique le pèlerin, qui a dû rentrer après 53 jours de marche et près de 2.000 km parcourus. « J'y suis tout de même retourné par la suite. Et après m'être recueilli sur le tombeau de Saint-Jacques et de Jésus, je souhaitais me recueillir sur celui de Saint-Pierre. »
Bons dénivelés
Le septuagénaire ne cache pas avoir éprouvé quelques doutes avant de se lancer. « Je me demandais si j'étais capable de faire ça physiquement, et puis comme je dis toujours, il faut oser ! Si on pense à la tendinite ou aux pépins qu'on pourrait avoir, on reste dans ses pantoufles, commente le voyageur. Alors j'ai contacté l'association du pèlerinage, pour prévoir mes différents lieux d'hébergement sur le trajet et je me suis lancé. »
Fort de son expérience, l'homme lève le pied et avance d'un pas tranquille, enchaînant les étapes quotidiennes de 17 à 37 km.
« Je ne m'attendais pas à ce que le chemin soit si dur, avec de bons dénivelés. Mais ce n'est pas fatiguant quand on n'a pas mal aux pieds, c'est un plaisir renouvelé chaque jour », précise Pierre Dupuit, qui a notamment grimpé 2.500 m jusqu'au col du Grand Saint-Bernard, dans les Alpes suisses. « Quand on est randonneur et pèlerin ce qui compte c'est être au contact avec la nature et on ressent d'intenses moments de communion et d'harmonie. »
Un voyage intérieur pourtant riche en belles rencontres. « Quoi qu'on en dise, l'hospitalité ça existe encore. Les gens se demandent d'abord s'ils ne sont pas face à un hurluberlu, et puis passée la surprise ils ouvrent grand leur porte », décrit le pèlerin.
Hors du monde
Au bout d'une vingtaine de jours, il croise même un Suisse qui entreprend le même voyage et poursuit sa route en sa compagnie.
« Ensemble on est passé par des chemins, où je ne me serais pas aventuré seul. Et il faut dire que je n'ai pas fait vraiment de progrès en italien, vu qu'il parlait la langue couramment », sourit le Rethélois, qui concède que « l'important ce n'est pas l'arrivée, c'est le voyage ». « Quand on arrive à Rome, c'est un choc. On se trouve dans la cohue, écrasé par la foule, alors qu'on a passé 60 jours hors du monde. »
Dans son sac à dos de 9 kg, le marcheur - qui faisait sa lessive chaque soir - n'avait emporté que l'essentiel, quelques vêtements, une trousse à pharmacie, complétée chaque jour d'eau, pain, fromage et charcuterie pour le pique-nique.
« C'est le but, apprendre à se détacher, complète son épouse. Comme ça, on se rend compte que dans notre vie actuelle, on est encombré de choses pas forcément nécessaires. »
Seul bémol, le balisage approximatif du pèlerinage. « C'est un chemin encore peu connu et il est très mal balisé », constate Pierre Dupuit. « Il faut prendre ça du bon côté, mais combien de fois on s'est égaré. On en a parcouru des kilomètres supplémentaires pour retrouver notre route. »
L'occasion de vérifier que tous les chemins mènent vraiment à Rome.
Audrey Benzaken